Yasmine Menacer : une volonté affûtée
[VIDÉO ET PODCAST] Rencontre avec la maître boulangère, Yasmine Menacer, responsable R & D de Chez Meunier et de Dupont avec un thé. Cette jeune femme passionnée à la volonté affûtée est sortie major de promo en 2016 du brevet de maîtrise boulangerie de l’Institut national de la boulangerie et de la pâtisserie.
Brune menue, le regard vif, Yasmine Menacer est maître boulangère. À La Courneuve (Seine-Saint-Denis), elle occupe le poste de responsable de la recherche & développement (R &D) de Chez Meunier et de Dupont avec un thé.
À l’origine de ce groupe, Caroline Le Merer et Éric Teboul ne se sont pas trompés en lui proposant de le rejoindre en 2017. La jeune femme à la volonté affûtée est sortie major de promo du brevet de maîtrise boulangerie à l’Institut national de la boulangerie et de la pâtisserie. À Paris, elle travaillait alors pour le pâtissier Cyril Lignac et Olivier Magne, Meilleur ouvrier de France boulanger.
« J’ai toujours eu soif de comprendre et d’apprendre », reconnaît celle qui n’a pas peur des défis. Yasmine Menacer aime l’adrénaline des concours, dans lesquels son audace créative et sa ténacité la distinguent. Comme une revanche sur les épreuves de la vie.
La Toque magazine : Vous êtes née en Algérie et vivez en France depuis l’âge de deux ans...
Yasmine Menacer : J’ai grandi dans le Sud, à Sète, et suis arrivée à Paris à l’âge de 9 ans. Ma mère et ma grand-mère m’ont élevée. J’ai passé un bac scientifique et hésité entre la biologie, l’architecture, avant de devenir coach sportif. Puis, à 22 ans, j’ai tout remis en question.
LTM : Vous vous êtes tournée vers la boulangerie, pourquoi et comment ?
YM : Ma grand-mère Yema fabriquait le pain pour la famille. Je l’entendais pétrir la pâte à la main et la claquer sur le plan de travail. Elle ne faisait pas de pesée, mesurait tout dans le creux de la main et au toucher de la pâte. Ensuite, nous partagions ce qui sortait du four. Ma grand-mère était comme une magicienne et je me suis dit “Pourquoi pas moi aussi”. Au culot, je vais chez Ganachaud, rue de Ménilmontant [Paris, 19e] demander un stage de deux semaines et voir ainsi si ça me plaisait. Je découvre d’autres magiciens, ceux de la nuit. Retrouver les odeurs de levure, alimenter le four à bois, m’a tout de suite plu. Le rythme est un choc. Quand je rentrais chez moi, je m’endormais tout le temps. Mais c’était magnifique ! Brioches et viennoiseries, tout était fait maison. Ayant des facilités de compréhension et d’apprentissage, avec un contrat d’ouvrier non qualifié je passe une année avec le chef boulanger, le tourier et les pâtissiers. Et à l’École de boulangerie pâtisserie de Paris, je valide le CAP boulanger en quatre mois.
LTM : L’envie de passer le brevet de maîtrise vous vient comment ?
YM : Je travaillais chez Cyril Lignac, rue Paul Bert [Paris, 11e]. Pour apprendre, j’ai besoin de comprendre. En 2016, je m’inscris à la formation en six mois de l’Institut national de la boulangerie pâtisserie préparant au brevet de maîtrise boulanger. J’étais à Rouen avec des boulangers démonstrateurs, des professeurs en centre de formation d’apprentis… Je me sens alors toute petite avec mon CAP ! Mais si je peux manquer de confiance en moi, j’aime faire les choses à fond. Je bûche. Quand on est passionnée, on ne compte pas ses heures. Le soir, je révise la théorie et la pratique en regardant des vidéos. J’ai été très bien stimulée, notamment par le formateur Denis Fatet, et j’ai terminé major de promo.
LTM : Le diplôme vous ouvre aux viennoiseries créatives…
YM : Une viennoiserie, on la déforme, on la retravaille, on teste jusqu’à arriver au nouveau produit final. C’est comme une sculpture avec de la pâte vivante. Le volume, les goûts et les couleurs changent encore au façonnage et à la cuisson. La pâte nous domine et on l’apprivoise, un peu comme lors d’un combat ou d’une danse.
LTM : En 2017, Éric Teboul vous propose de venir Chez Meunier, quel est le défi ?
YM : Il avait l’objectif de changer l’identité de ses boutiques, de créer un concept de boulangeries raffinées, proposant exclusivement des produits faits maison haut de gamme. Je lui précise que je veux travailler avec mes recettes, sur levain. Je souhaite transmettre, former et amener les boulangers àperformer ; et développer les viennoiseries maison et créatives. Je me sentais alors bien chez le Meilleur ouvrier de France Olivier Magne, un personnage qui m’a vraiment inspirée, mon rythme de travail était bien réglé. Pourtant, j’ai accepté le défi Chez Meunier et les turbulences d’une ouverture. En parallèle, je me préparais aux qualifications du Meilleur ouvrier de France. Mais un accident m’a interrompue pendant les épreuves de 2018 (écouter le podcast).
LTM : Quel est votre travail ?
YM : J’encadre plusieurs équipes et je suis en production. Environ 10 % de mon temps est attribué à la R & D, autour de produits classiques et innovants. Je fais jusqu’à une quinzaine d’essais, les collègues et les patrons goûtent, je modifie, et quand la recette est validée je transmets la technique aux équipes pour qu’on s’y mette tous ensemble.
LTM : Péparez-vous de nouveaux concours ?
Je vais candidater à la Coupe de France de la boulangerie 2025 et j’ai envie de retenter celui de Meilleur ouvrier de France. Cela représente énormément de travail et de sacrifices. Je n’ai pas abandonné ce rêve de peut-être, un jour, devenir la première boulangère Meilleure ouvrière de France.